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Allergie aux pommes : ce qu’il faut savoir avant de croquer
Pour de nombreuses personnes allergiques au pollen de bouleau, croquer dans une pomme fraîche n’a rien d’un plaisir : cela déclenche rapidement des symptômes désagréables. Démangeaisons et gonflements au niveau des lèvres, du palais ou de la gorge font partie des manifestations typiques d’une allergie croisée.
Pourquoi les pommes provoquent-elles des réactions chez les personnes allergiques au pollen de bouleau ?
L’explication repose sur la protéine Mal d 1, principal allergène de la pomme. Cette protéine présente une forte similitude structurelle avec Bet v 1, l’allergène majeur du pollen de bouleau. En raison de cette ressemblance, le système immunitaire des personnes allergiques ne parvient pas à distinguer correctement ces deux protéines, et réagit donc à la pomme consommée comme s’il s’agissait de pollen. Cette confusion entre les protéines allergéniques du fruit cru et du pollen explique l’appellation d’allergie « croisée » donnée à la réaction. Par ailleurs, durant la saison pollinique du bouleau (avril/mai), les muqueuses et le système immunitaire sont déjà fortement sollicités, ce qui peut accentuer les symptômes allergiques lors de la consommation de pommes crues au printemps et en été.
Il est à noter que certaines personnes allergiques au pollen de bouleau peuvent également présenter des réactions croisées à la consommation d’autres fruits ou légumes crus, tels que les poires, les cerises ou encore les carottes. Comme la pomme, ces aliments contiennent des protéines dont la structure est proche de celle de l’allergène Bet v 1 du pollen de bouleau.
Tolérance : de multiples facteurs en jeu
Le degré d’allergénicité d’une pomme dépend de plusieurs paramètres : variété, conditions de culture, stade de maturité et modalités de conservation après la récolte. Si la teneur en Mal d 1 peut augmenter sensiblement au cours de la maturation et lors du stockage à température ambiante chez certaines variétés, ce n’est pas le cas pour d’autres. De plus, chaque personne possède un seuil de tolérance individuel.
Les anciennes variétés sont souvent mieux tolérées
L’expérience montre que de nombreuses personnes concernées tolèrent mieux les anciennes variétés, comme Boskoop, Gravenstein ou Reinette dorée, que les variétés modernes telles que la Golden Delicious. Par ailleurs, de nouvelles variétés, décrites comme « adaptées aux personnes allergiques », ont été développées ces dernières années. Toutefois, une règle reste primordiale : ne pas expérimenter seul·e. Chez les personnes sensibles, même des variétés réputées pour être mieux tolérées peuvent provoquer des réactions, allant dans de rares cas jusqu’à l’anaphylaxie.
La transformation peut améliorer la tolérance
Le mode de préparation des pommes joue également un rôle important. La cuisson modifie la structure des allergènes. Ainsi, les personnes concernées réagissent le plus souvent aux pommes crues, mais tolèrent en revanche les produits transformés comme la compote ou la tarte. Le jus de pomme pasteurisé (chauffé) est lui aussi généralement bien toléré. Cependant, quiconque a déjà présenté une réaction marquée aux pommes crues doit rester prudent. Il est fortement conseillé de ne tester de nouvelles variétés ou formes de préparation qu’après en avoir parlé à son médecin traitant.
Peut-on s’habituer aux pommes ?
Entretien avec le Prof Dr méd. Camillo Ribi
La question revient régulièrement : une sorte de désensibilisation par une consommation régulière de pommes est-elle possible, à l’image de l’immunothérapie spécifique efficace contre l’allergie au pollen ? Nous avons posé la question au professeur Camillo Ribi, médecin-chef dans le Service d’immunologie et allergie du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV).
1. Puis-je m’habituer à l’allergène en mangeant des pommes régulièrement ?
Chez certaines personnes présentant des réactions légères, on observe effectivement une certaine induction de tolérance. Cela peut se produire, par exemple, lorsqu’une petite quantité de pomme est consommée quotidiennement. Mais il ne s’agit pas d’une approche standardisée, et cela ne fonctionne pas pour tout le monde. Dans certains cas, les essais peuvent même s’avérer contre-productifs. C’est pourquoi il est recommandé de n’entreprendre une procédure de désensibilisation que sous supervision médicale.
2. Comment se déroule concrètement une telle désensibilisation ?
En pratique, nous choisissons avec la patiente ou le patient une variété de pomme, idéalement à forte teneur en Mal d 1 et disponible toute l’année, comme p.ex. la Golden Delicious. Le fruit est ensuite consommé cru, sous surveillance médicale : d’abord en très petites quantités, puis, une fois que le cap des symptômes est dépassé, un quartier de pomme jusqu’à une pomme entière. Il est possible qu’une réaction survienne. Dans ce cas, la procédure de désensibilisation est reprise une fois que les symptômes ont régressé. Il est ainsi généralement possible de dépasser la quantité de pomme ayant initialement déclenché une réaction. Les patient·e·s sont surveillés de près jusqu’à l’installation de la tolérance. Une fois qu’un quartier de pomme est toléré, la personne concernée peut en consommer la même quantité le jour suivant sans ressentir de symptômes. Il est alors très important de maintenir cette tolérance en consommant quotidiennement un quartier de pomme crue. En cas d’interruption de plusieurs jours, il est probable que l’allergie réapparaisse. Important à retenir : ce procédé n’est pas une thérapie officiellement reconnue, mais une démarche individuelle adaptée aux cas d’allergie légère à la pomme.
3. Existe-t-il une alternative pour les personnes souffrant d’une allergie à la pomme ?
Une immunothérapie spécifique contre le pollen de bouleau peut, dans certains cas, contribuer à réduire les réactions croisées à la pomme. Toutefois, il n’est pas rare que ce traitement n’ait aucun effet sur ce que l’on appelle également le syndrome oral croisé. Il arrive même, occasionnellement, que l’allergie à la pomme se déclare en cours d’immunothérapie spécifique dirigée contre le pollen. Dans ce cas, il faut le signaler au médecin ayant prescrit la désensibilisation.
Des symptômes isolés survenant après la consommation de pommes ne constituent donc pas, à eux seuls, une indication à une immunothérapie spécifique contre le pollen. En revanche, une évaluation allergologique est utile pour déterminer si les symptômes dans la bouche et la gorge associés à la consommation de pomme ou d’autres fruits et légumes crus relèvent bien d’un mécanisme d’allergie croisée. Dans de rares cas, l’allergie à la pomme peut être due à une forme plus sévère, indépendante du pollen de bouleau. La réaction n’est alors pas dirigée contre la protéine Mal d 1, mais contre d’autres protéines de la pomme. Cette forme d’allergie, indépendante de l’allergie au pollen de bouleau, ne peut actuellement pas être prise en charge par une désensibilisation. L’éviction complète des pommes demeure alors la seule option disponible.
Conclusion : aucune variété n’est « sûre » – le conseil médical est central
Même si certaines variétés de pommes semblent mieux tolérées, l’intensité des réactions croisées à ce fruit demeure individuelle. Toute personne allergique à la pomme devrait donc discuter du diagnostic et des étapes suivantes avec son ou sa médecin.